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27 novembre 2010 6 27 /11 /novembre /2010 16:37

 

  • Dis donc Paulo, je commence à me demander si tu n'es pas en train de me rouler dans la farine. Voilà plus de trois heures que je creuse comme un damné aux endroits que tu m'as indiqués, et pas une trace du magot de la Caisse d'Épargne. Je te rappelle quand même, Paulo, que je viens de faire huit ans de taule pendant que Monsieur menait la belle vie. A aucun moment je n'ai cité ton nom aux flics, car je t'ai cru quand tu m'as juré que le magot m'attendrait bien sagement à ma sortie de prison. Au lieu de profiter de mon premier jour de liberté, je le passe en compagnie d'une pelle et d'une pioche dans la forêt de Saint-Sauvant! Alors, que tu ne puisses pas m'aider à cause d'un prétendu lumbago, passe encore, mais il est grand temps, Paulo, que tu retrouves la mémoire et que je mette la main sur ma part du pognon...

  • C'est incroyable Alfredo,tu doutes de ma parole? Tu penses vraiment que je t'ai roulé dans la farine? et puis tu crois que j'ai mené la vie belle pendant ces huit années? Oui,c'est sûr j'ai échappé à la taule mais si tu veux savoir je m'en suis fabriquée une autre de taule: la culpabilité ... et de celle là , jamais t'en sors. C'est à perpet . Surtout si t'as décidé de me balancer régulièrement tes huit années de souffrance, ton héroïque silence en comparaison de ma pseudo liberté!
    J'ai pas perdu la mémoire: j'avais marché jusqu'au point numéro 8 du parcours de santé, j'avais même fait les 20 flexions et j'avais bifurqué à gauche jusqu'au panneau du circuit VTT rouge, là je m'étais enfoncé dans le bois jusqu'à cette borne.

  • Du calme! Je sais que t'as toujours été réglo avec le parcours de santé. Depuis qu'on est gamins, je ne t'ai jamais vu faire l'impasse sur une activité. Mais, la taule, ça rend irritable et la pioche ça finit de me rendre nerveux. Mais bon sang, si ce n'est pas toi qui a mis la main dessus, il est passé où ce fichu magot de la Caisse d'Épargne ? C'est quand même pas un écureuil qui a mis de l'argent de côté pour l'hiver!

  • Les 20 flexions, je m'en souviens maintenant, j'étais pas seul à les faire, bon dieu! J'avais avec moi, Ben, mon neveu. Ma sœur me l'avait largué pour le week-end. Cette idiote, à l'époque était folle amoureuse d'Angelo (drôle d'ange celui là). Ils s'étaient barrés tous les deux au bord de la mer et tu penses bien que le morveux n'aurait pas été le bienvenu pour cette escapade dont le thème principal était :"Partie de jambes en l'air"!!

  • Ben! Ton neveu Ben! Nom de Dieu Paulo! Pourquoi tu n'es pas venu seul comme on l'avait décidé? Ça ne fait plus l'ombre d'un doute: c'est lui qui a ramassé le pactole. Et où est-il maintenant? Ne me dis pas qu'il s'est exilé pour vivre sous les cocotiers!

  • Ben avait douze ans quand j'ai enterré le magot. Il y a un an , il a disparu de la circulation. Même sa mère a plus de nouvelles, rien. Un matin en se levant, elle a trouvé un mot sur la table de la cuisine:"maman, je me barre de ce pays de cons à plus".

  • Oh le p'tit con! Et ça t'a pas mis la puce à l'oreille qu'il se barre comme ça du jour au lendemain? Mon pauvre Paulo, t'es vraiment trop naïf... A moins que... A moins que tu n'aies prévu de le rejoindre, et que ma libération anticipée n'ait, comme qui dirait, contrarié tes plans.

  • Alfredo, j'en ai marre, tu vas pas recommencer! On est tous des pourris qui essaient de te faire la nique, c'est çà? J'en peux plus, je me pose, j'ai trop mal au dos ... ... ... Tu veux un coup de topette? ... ... ...Tu m'as même pas dit comment s'étaient passées tes années en taule...

  • D'accord pour la topette. Au fond, c'est peut-être moi que la taule a rendu pourri. Tout pourri de l'intérieur. J'en arrive même à te soupçonner, toi, mon pote de toujours, au lieu de me réjouir de te retrouver après ces 8 années en enfer. Allez à la tienne Paulo!

  • Alors ? Tu veux pas m'en parler? Déjà, quand je venais te voir au parloir, jamais tu ne faisais allusion à ta vie là bas. Tu me demandais seulement de te raconter ma vie , celle des potes...mais toi...rien.

  • Mais qu'est-ce que tu t'imagines? Que veux-tu que je te raconte? La prison c'est pas comme dans les films. On s'y emmerde, crois-moi. On s'y emmerde à crever. Alors, pour tenir, j'ai pensé à la vie d'après, la vie avec du fric. Ce putain de fric qui s'est mystérieusement volatilisé avec ton neveu.

  • Écoute, je vais faire mon possible pour élucider cette affaire, je comprends que ce soit important pour toi. Mais je sais pas si le fric te rendra plus heureux, Alfredo. Tu sais, la partie du magot qui m'est revenue, je l'ai dilapidée toutes ces années et que m'en reste t il finalement? rien même pas de souvenirs impérissables ! Je croyais avoir fait ce hold up pour l'argent et finalement je me suis aperçu que j'avais pris beaucoup plus de plaisir avant, pour toutes  les soirées passées avec toi à préparer ce coup, et tous les rêves que l'on échafaudaient ensemble pendant des nuits entières. Parfois, j'avais l'impression de jouer dans un film et là je me sentais pleinement heureux.

  • Arrête Paulo, tu me fais chialer. En cabane, c'est pas l'envie qui me manquait, mais ça coulait plus... Et voilà que ça pisse à flots. Tu crois que c'est à cause de la topette?

  • Hi hi hi! Excuse moi Alfredo ha ha ha!!! j'ai le fou rire qui me prend,hi hi hi! Tu crois que c'est la topette? Arrête c'est nerveux j'suis tellement content de te retrouver! Tu te rappelles les bosses de rire qu'on se prenait avant?

  • Ha ha ha! C'était le bon temps! Des sacrés bosses de rire: on nous surnommait les chameaux! Ça fait du bien! Ressers moi un petit verre... A la tienne! Pis tu sais quoi, ton neveu, il peut tout garder. Moi j'en n'ai plus besoin de cet argent maintenant que je t'ai retrouvé mon vieux Paulo.

  • Dis donc, Alfredo, on pourrait peut être se monter une petite affaire à deux, tu crois pas? Tu sais, j'suis au chomdu en ce moment et puis travailler pour un patron çà me gonfle. Par contre qu'est ce que tu dirais de monter une petite casse ou une brocante, retaper et revendre? Ou alors partir à l'étranger...J'sais pas moi...passe moi la topette s'te plait. 

  • Et pourquoi on se ferait pas fossoyeurs? Je commence à avoir le coup de main avec la pioche maintenant! Non arrête tes conneries Paulo. J'ai jamais bossé de ma vie...Enfin légalement je veux dire. C'est pas à mon âge que je vais commencer...

  • Qu'est ce que t'insinues? Tu veux dire que tu serais prêt à recommencer des gros coups comme avant ? Tu sais depuis que tu as été sous les verrous, moi, je m' suis calmé mis à part quelques petites escroqueries une fois de temps en temps , histoire de se maintenir en forme ...

  • J'ai jamais dit que j'allais remonter des gros coups. Surtout pas avec toi maintenant que t'es rangé... Et puis, tant que tu joueras les baby-sitters pour ta frangine, on ne peut pas dire que tu sois vraiment fiable comme partenaire. Non, si on veut rester amis, il vaut mieux qu'on ne bosse plus ensemble. Il t'en reste une lichette de ta topette?

  • Non, de la topette , y en a plus par contre si tu veux faire un petit voyage , j'en ai de la bonne dans ma poche, ça te dit? Tiens un petit voyage tous les deux pour nos retrouvailles, c'est peut être par là qu'il faut commencer!

  • C'est pas de refus... Des mois que je vois le même paysage, en outre à travers les barreaux; alors j'ai rien contre un petit voyage. Emmène moi loin de cet univers, Paulo!

 A ce moment une belle lumière qui invite au voyage, s'estompe progressivement. Paulo et Alfredo ne sont plus que des ombres qui s'estompent pour finalement disparaître à tout jamais !!

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